Collaborateurs expatriés en famille : ils témoignent et partagent leurs expériences
Mais qui sont les salariés expatriés ? La plupart des articles et interviews publiés sur mon site web parlent des conjoints d’expatriés ou conjoints suiveurs. C’est logique, c’est à vous que je m’adresse la plupart du temps. Alors je me suis dit que pour une fois, j’allais mettre en avant les collaborateurs expatriés. Ils sont à l’origine de l’expatriation de toute la famille et sans eux, nous ne vivrions pas cette expérience incroyable qu’est la vie à l’étranger ! Ces hommes (oui, je dis hommes car dans 90 % des cas ce sont des hommes) sont souvent décrits comme ayant la belle vie. Pourtant, la réalité n’est pas toujours si rose… J’ai donc décidé de leur donner la parole. Quels sont leurs parcours ? Comment vivent-ils leurs expatriations ? Comment voient-ils l’avenir ? Voici les témoignages de quatre salariés expatriés qui ont accepté de répondre à mes questions.
Des profils variés de collaborateurs multi-expatriés
Mathieu, responsable financier
J’ai d’abord interrogé Mathieu, français expatrié depuis 2008. Responsable financier dans un groupe agroalimentaire, il a vécu en Belgique, en Allemagne, en Corée du Sud et réside en Australie depuis 2019. Cela fait donc quatorze ans qu’il habite en famille à l’étranger.
Éric, expatrié depuis 15 ans
Éric, qui a aussi un profil de multi-expatrié, a également pris un peu de son temps pour nous raconter sa vie à l’étranger en famille et apporter son témoignage. Il avait seulement 25 ans lorsqu’il a quitté la France. En quinze ans, il a vécu en Thaïlande, puis à Dubaï, et réside désormais en Algérie avec sa femme et ses trois enfants.
Hugues Narjoux, chef de projet informatique
Puis, j’ai discuté avec Hugues Narjoux, français également. Hugues a toujours voulu travailler à l’étranger. En 2013, un poste de chef de projet informatique chez Schlumberger l’a conduit à quitter l’Hexagone pour s’installer à Pékin. Deux ans plus tard, il s’est fait recruter par Google et a déménagé à Sydney.
Justin Devaux, chef de marché
On peut dire que Justin est un vrai “serial expat” ! En 2004, tout juste diplômé de son école de commerce, il s’envole avec sa femme pour Shanghai pour un poste de responsable logistique chez Elee, dans la grande distribution. Quatre ans plus tard, il rejoint le secteur du luxe et le groupe Richemont. S’ensuivent des expatriations en Suisse et à Hong Kong, dans la logistique. Depuis 2019, il est chef de marché en Australie.
Un grand merci à ces messieurs d’avoir répondu à mes questions. Pour une fois que quelqu’un leur donne la parole, ils étaient plutôt emballés à l’idée d’exprimer leurs points de vue !
Quels sont les avantages de l’expatriation pour les salariés expatriés ?
L’expatriation présente des avantages et des inconvénients, j’en ai déjà parlé dans un article récent. Mais c’était mon point de vue de femme d’expatrié. Ici, l’idée est de mettre en avant le point de vue des collaborateurs expatriés, qui ont une autre vision des choses (même si certains points se rejoignent…)
La découverte du monde
Le premier avantage énoncé spontanément est la découverte de nouveaux pays et de nouvelles cultures, et la possibilité de voyager partout dans le monde.
Hugues explique qu’il avait vraiment envie de « voir autre chose, de sortir du cadre franco-français ». Justin ajoute qu’il aime que ses enfants « se rendent compte qu’il y a autre chose que la France ». Mathieu insiste sur « la découverte du monde et l’ouverture d’esprit de toute la famille ». Pour Éric, « l’expatriation est une expérience de vie à vivre en famille qui s’avère bien souvent ultra riche en rencontres et voyages. »
En effet, c’est souvent la première motivation lorsque l’on part s’installer à l’étranger. C’était d’ailleurs mon cas !
Le boost professionnel
Arrive ensuite un autre avantage, d’ordre professionnel cette fois-ci. Pour Justin, l’expatriation « est un véritable accélérateur de carrière ». Éric confirme : « c’est un tremplin professionnel ». « On coche des cases et donc on évolue plus vite » ajoute Hugues. « On accède plus rapidement à des postes à responsabilité, comparé aux personnes qui sont restées dans leur pays » précise Mathieu.
Autre intérêt : le challenge professionnel. Pour Mathieu, « exercer des fonctions de management dans des pays où la culture est différente de la sienne est un vrai défi. Comprendre le fonctionnement du pays, le marché du travail, les langues, etc. Tout cela rend l’expatriation excitante ! »
Justin est également enthousiaste face au « challenge de rebattre les cartes tous les trois à cinq ans. En sortant de sa zone de confort, en changeant de milieu culturel et de pays, on développe de nouvelles aptitudes et on apprend beaucoup de choses. »
Le cadre de vie
Le package des expats est en troisième position des avantages de l’expatriation. L’aisance financière et les bénéfices matériels procurés par le statut de collaborateur expatrié sont des atouts. Éric met en avant une « rémunération souvent avantageuse.»
Tout comme le cadre de vie pour la famille : « Les enfants vivent dans un environnement privilégié. Ils ont accès à des écoles de bonne qualité et bénéficient d’une excellente éducation. Cela n’aurait pas forcément été le cas en France » explique Justin.
Mathieu confirme ce point de vue : « En vivant à l’étranger, on vit dans un cadre privilégié, avec des logements spacieux. Si on était restés en France, on habiterait un petit appartement à Paris et on bosserait tous les deux comme des dingues. Entre Paris et Sydney, il n’y a pas photo ! 😉 »
Vous l’aurez compris, ces messieurs plébiscitent donc la découverte du monde, les effets positifs sur leurs carrières et le cadre de vie. Mais qu’en est-il, selon eux, des inconvénients de l’expatriation ?
Quels sont les inconvénients de la vie en expatriation ?
La distance
Tous sont d’accord pour dire que la distance avec la famille et les amis est un véritable inconvénient. Éric me confie que « l’éloignement de la famille et de la France, peuvent être difficiles à vivre parfois. On ne rentre pas quand on veut. » Mais tout dépend, bien sûr, du pays dans lequel on est installé et de l’éloignement avec le pays d’origine.
La pression professionnelle et le choc culturel
Puis, rapidement, c’est la pression qui pèse sur leurs épaules qui ressort, ainsi que le décalage culturel.
Hugues explique : « En contrepartie des gros packages, il y a beaucoup de pression. On ne t’envoie pas en expat pour rien : l’employeur est très demandeur et exigeant. Dans mon cas, l’expérience chef de projet IT pour Schlumberger, en Chine, a été très difficile. Je bossais beaucoup, j’avais 1h30 de trajet tous les matins et tous les soirs pour aller et revenir du bureau. Je ne voyais pas beaucoup ma famille. Schlumberger est une entreprise connue pour mettre beaucoup de pression sur ses employés, et en particulier sur les expatriés. À cela s’ajoute le décalage culturel avec les Chinois qui n’est pas facile à gérer au quotidien. »
C’est aussi le point de vue de Justin : « Si les boîtes t’envoient à l’étranger, elles font de gros investissements et ont donc des attentes. Il y a un gros poids sur les épaules. Mais ça dépend quand même des pays. En Australie, il y a un bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. Mais par exemple à Hong Kong, tout va très vite et il y a une réelle pression à délivrer le travail, sinon on ne garde pas sa position. Il y a aussi une pression au niveau personnel : on assume financièrement pour toute la famille. »
Dans le même sens, Mathieu raconte que son expérience en Corée du Sud a été éprouvante : « Il y avait beaucoup de pression, des journées de travail très longues et un fort turn over dans les équipes. Je travaillais beaucoup et je voyais peu ma famille. Il a fallu aussi gérer les différences culturelles et la barrière de la langue. Ce n’est pas facile de manager une équipe dans ces conditions. Il m’a fallu du temps pour comprendre les codes. »
Pour Éric, s’installer dans des pays très différents du modèle occidental est un véritable challenge : « L’adaptation au nouvel environnement est parfois compliquée, et toute la famille est concernée. Les différences culturelles peuvent rendre le quotidien difficile, tant au niveau personnel que professionnel. »
La pression et le choc culturel dépendent donc surtout du pays d’expatriation. Certaines destinations, comme l’Asie, sont en effet réputées pour être plus difficiles que les pays dits “occidentaux”.
Le stress de la mobilité internationale
À cela s’ajoute l’incertitude due à la mobilité. Ce stress est d’ailleurs autant vécu par le collaborateur expatrié que par son conjoint.
Mathieu explique : « dans ma société, lorsque je suis en mobilité, on me fait une proposition de poste et j’ai 48 heures pour dire oui ou non. Sachant que pour dire non, il faut avoir de très bonnes raisons, c’est plutôt mal vu. On ne peut pas refuser trois propositions d’affilée. Ensuite, la prise de poste peut se faire en deux mois ou en un ou deux ans. C’est alors une période de flottement : on n’est plus tout à fait là, mais pas vraiment partis non plus. »
Justin raconte également : « quand on me propose un poste, il est malvenu de refuser. On peut refuser une fois, éventuellement deux fois, mais pas trois. Le changement de poste peut prendre du temps ou être très rapide. Cela entraîne une incertitude et du stress : on peut déménager trois mois plus tard ou deux ans plus tard… »
Les cycles de déménagements
Puis, ce sont les déménagements successifs, tous les trois à cinq ans, qui ressortent des témoignages.
Pour Justin, « déménager régulièrement est parfois difficile. Il faut tout recommencer à zéro, dans un pays qu’on ne connaît pas, avec une culture qu’on ne connaît pas et des gens et collègues qu’on ne connaît pas. Les 18 premiers mois sont difficiles au niveau professionnel et au niveau personnel. Il faut s’adapter, faire son réseau, etc. Ensuite, on a un à deux ans où on est confortable. Et très rapidement, il faut penser à la prochaine étape, au prochain poste : les discussions avec le siège, activer le réseau, etc. Le temps de l’insouciance est court. »
Mathieu explique également être parfois fatigué par « l’obligation de reconstruire sa vie sociale et professionnelle, à chaque déménagement, à chaque expatriation. »
Les stéréotypes sur les expatriés
Enfin, Hugues a été marqué par les clichés sur les expatriés… qui se sont vérifiés lorsqu’il était à Pékin. Il regrette « le cloisonnement dans l’entreprise entre les expats nantis, les cadres dirigeants très bien payés d’un côté, et les locaux beaucoup moins bien rémunérés de l’autre. Au niveau familial, il y a le cliché de l’homme qui bosse comme un fou et de la femme qui reste à la maison et s’occupe des enfants. C’est d’ailleurs en partie pour fuir ce stéréotype que nous avons quitté la Chine pour l’Australie. Chez Google, il n’y a quasiment jamais d’expatriés. Il n’y a pas ce schisme entre les expatriés et les locaux. On est tous logés à la même enseigne. Le management est beaucoup plus cool et moins hiérarchisé. »
Comment les conjoints suiveurs vivent-ils l’expatriation ?
Vous me connaissez, c’est un sujet qui me tient à cœur. Je ne pouvais pas ne pas les interroger sur leurs conjoints !
Pour Éric, « Tout est une question d’équilibre car l’expatriation ne doit pas se limiter à l’emploi du conjoint qui porte le contrat de travail. Cet équilibre se trouve au fil du temps. Mais il est vrai que les “primo expatriés” peuvent se sentir perdus dans leur nouvelle vie. Il est souvent impossible pour les conjoints d’exercer leur métier d’avant. Il est donc important de prendre en considération les attentes et les besoins de son conjoint pour que cela fonctionne. En ce qui me concerne, mon conjoint vit très bien son expatriation car nous avons trouvé ce fameux équilibre ! »
De son côté, Hugues raconte : « Ça a été très dur pour elle au début. Quand on est partis, elle n’était pas du tout dans la mentalité expat. Elle n’avait pas forcément envie de quitter la France, je l’ai un peu poussée. Et finalement ça s’est bien passé. Elle a vécu deux ans mère au foyer à Pékin, avec des aides (nounou, femme de ménage, etc.). Et elle a apprécié de profiter de l’expatriation, du pays, de la découverte de nouvelles choses. Depuis qu’on est en Australie, on a eu un troisième enfant. Elle n’a pas travaillé pendant plusieurs années par choix. Mais les enfants ont grandi et elle a repris une activité professionnelle depuis deux ans. Elle a trouvé un poste dans les ressources humaines dans une société australienne. Ici, il y a de vraies opportunités professionnelles pour elle. C’est aussi pour ça que nous avons fait le choix de nous installer durablement en Australie. »
Pour Justin et Mathieu, la décision de partir en expatriation a été prise en couple avec leurs épouses. Et chacun de son côté considère que sa femme est heureuse de la vie qu’elle mène. Mais ils relèvent la difficulté pour les conjoints de poursuivre une carrière professionnelle à l’étranger.
Justin souligne l’ambiguïté de la situation de son conjoint : « Il y a un côté “belle vie” qu’elle apprécie beaucoup. Mais il y a aussi le côté professionnel. Le travail donne une existence sociale. Ce n’est pas facile pour elle à chaque fois de retrouver un travail, à chaque déménagement. Elle l’a fait pour quasiment toutes nos expats, à Shanghai, à Genève et à Hong Kong. À chaque changement de pays, elle a démissionné et a recherché un boulot. Et ici en Australie, elle a arrêté de travailler. Elle a découvert le surf ! 😉 Mais au bout d’un moment, elle finit par perdre confiance en elle et se déconnecte de la réalité et des efforts qu’il faut fournir pour avoir une carrière dans le milieu corporate. »
Tiens, tiens, ça me rappelle un peu mon propre parcours, ça ! Je vous invite à lire mon propre témoignage : mon déclic vers l’indépendance.
Justin ajoute : « En réalité, de chaque côté, on a l’impression que c’est l’autre qui a la plus belle vie. Cela crée un déséquilibre dans le couple et peut susciter de la frustration. Mais globalement le bilan de notre vie d’expatriés est très positif ».
Mathieu raconte que pour sa femme, l’expatriation « a été difficile au début car son métier était difficilement expatriable. Il a fallu du temps pour qu’elle trouve sa place et une nouvelle voie professionnelle. Mais depuis qu’elle s’est reconvertie et exerce de nouveau une activité qui lui plait, je pense qu’elle vit beaucoup mieux l’expatriation. »
Vous avez remarqué ? C’est l’accès à une carrière professionnelle qui semble être déterminant pour les conjoints ! Je ne cesse de le répéter : pour une expatriation réussie, il faut que chacun ait un projet, un but, un objectif ! J’en parle d’ailleurs dans cet article sur le défi professionnel des femmes d’expatriés.
Témoignages de salariés expatriés : comment voient-ils l’avenir ?
Pour terminer, j’ai interrogé ces collaborateurs expatriés sur leurs projets d’avenir. Et c’est intéressant de voir les différentes directions que chacun prend.
S’installer définitivement dans le pays d’accueil
C’est la décision que Hugues et sa famille ont prise : « Nous sommes arrivés en Australie il y a sept ans pour vivre une nouvelle expérience à l’étranger, qui serait différente. Et nous avons fait le choix de nous installer durablement ici. Nous avons la nationalité australienne depuis peu. L’Australie est un pays beaucoup plus facile en termes de culture et d’intégration. »
Poursuivre l’expatriation quelques années
Mathieu raconte qu’il aimerait « continuer l’expatriation encore quelques années, tant que les enfants sont jeunes. Mais quand ils seront adolescents, nous pensons rentrer en France pour nous poser. J’aimerais que mes enfants à un moment donné aient des attaches et ne soient pas obligés de se faire de nouveaux amis tous les quatre ans. »
Rentrer en Europe ou en France… pour repartir !
Justin aimerait revenir en Europe à court terme : « Prochaine étape : on va essayer de viser l’Europe pour se rapprocher de nos familles. Ça fait près de dix ans qu’on habite loin et on ressent un besoin de revenir un peu. Mais est-ce qu’on va y arriver ? Tout dépend des opportunités de postes pour moi. On n’est jamais sûrs de rien… Mais quand on a la bougeotte, on a la bougeotte ! Après quatre à cinq ans en Europe ou en France, je pense qu’on voudra repartir plus loin… ».
C’est aussi le point de vue d’Éric : « Après de nombreuses années passées à l’étranger (15 ans), j’aspire à rentrer en France quelque temps. Est-ce que j’envisage de repartir ? Oui certainement ! »
Voici donc les témoignages de quatre salariés expatriés. J’ai trouvé intéressant de partager leurs points de vue sur l’expatriation. Vivre à l’étranger en famille est une formidable aventure ! Mais c’est un mode de vie qui comporte des avantages, comme des inconvénients. Rien n’est jamais parfait. Pour que l’expatriation soit une réussite, il est important que chacun s’épanouisse. Et parmi les points à ne surtout pas négliger, se trouve la place et la carrière du conjoint suiveur.
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